Superbes paires de tableaux-reliquaires contenant des ossements (ex-ossibus) de Saint-Zénon (3e siècle après J-C). Datant d’environ 1840, ces tableaux proviennent d’une collection privée.

Bien que les cordes au dos soient rompues, nous sommes persuadés que ces reliquaires n’ont jamais été ouverts. À l’intérieur d’un des tableaux, une pièce n’est plus soutenue, elle est donc libre. Pour cette raison, le cadre en question ne devra pas être mis à la verticale. Nous ne pourrons pas les expédier par la poste non plus.

Informations historiques
La dévotion aux reliques est initiée à Montréal alors que les Sulpiciens sont encore seigneurs de l’île, et ce, bien avant la création du diocèse. Mais c’est bel et bien Mgr Bourget qui donnera à cette pratique un souffle inégalé, avec l’organisation de cérémonies, de prières et de processions. Dans l’éloge funèbre qu’il fera de ce dernier en 1885, le sulpicien Louis-Frédéric Colin, supérieur du Séminaire, évoquera les « inébranlables effusions de foi et de charité devant les reliques des martyrs et des saints ».

L’importation et le don de reliques dans toute la région de Montréal sont en effet une des stratégies que Bourget emploie pour enraciner la légitimité d’un diocèse encore neuf. Dans ce contexte, les saintes reliques, dont la distribution est étudiée avec soin, incarnent la continuité de l’Église depuis les martyrs chrétiens des premiers siècles jusqu’au temps actuel. Avec l’accroissement considérable que Montréal connaît au XIXe siècle, de nouvelles paroisses sont à créer; des églises sont à construire et, surtout, à décorer. La liturgie, notamment, exige que les autels, pour être utilisés dans le culte, contiennent des reliques, des restes humains ou des souvenirs des saints de la foi chrétienne. La population montréalaise adhère avec force à ce culte des reliques, qui gagne en vigueur dans le milieu du siècle. Le peuple est alors convaincu du pouvoir de ces restes de saints et du fait que leur vénération permet d’obtenir indulgences et guérisons.

Fort heureusement, pour répondre à cette demande, les récentes fouilles des catacombes romaines fournissent alors un nombre incroyable de nouveaux saints et martyrs sortis des sols et envoyés par toute la chrétienté. Saint Zénon et ses compagnons connaissent une fortune tout particulière dans ce contexte, comme en témoigne notre reliquaire.
En visite en Italie en 1869, Mgr Bourget découvre dans une église romaine les reliques de saint Zénon et pas moins de 10 203 de ses compagnons. Soldats de l’armée romaine convertis au christianisme, Zénon et ses camarades ont connu le martyre pour avoir refusé de renier leur foi chrétienne et de sacrifier au culte de l’empereur. Ce sont plusieurs boîtes pleines qui partent cette année-là pour Montréal. L’évêque vide presque entièrement la petite église romaine, si bien que le culte de saint Zénon est finalement très localisé à Montréal et sa région.

Bourget réussit ainsi son projet de revivifier la foi et de donner un souffle à l’Église catholique du Québec grâce à de telles reliques. Il inscrit Montréal dans la continuité de l’Église romaine, comme le montrent la taille et la position centrale de ces reliques de Zénon et compagnons autour de reliques plus traditionnelles de saints européens ou de lieux saints du Nouveau Testament. S’il est aujourd’hui disparu, le culte de saint Zénon a ainsi eu une influence majeure au Québec grâce à la dévotion et à l’ambition de Mgr Bourget. Innombrables à la fin du XIXe s, ces reliquaires ont en grande partie été détruits ou perdus à la faveur d’un déclin de l’intérêt pour ces saints, dont la crédibilité est remise en cause. UCSS conserve deux de ces reliquaires, témoignages d’un culte qui a profondément marqué l’histoire économique, sociale et religieuse du Québec.